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Non-respect du confinement : des amendes forfaitaires en cas de récidive

Pénal - Vie judiciaire, Procédure pénale, Droit pénal général
03/04/2020
Les sanctions pour non-respect des mesures de confinement ont été modifiées à de nombreuses reprises (montant, circonstance aggravante de récidive, forfaitisation, etc.), tellement qu’il peut être difficile de s’y retrouver. On fait le point. 
« Quand nous contrôlons, ce n’est pas pour verbaliser mais protéger les Français et garantir la mise en œuvre du confinement » assure Christophe Castaner le 1er avril sur LCI. Il n’empêche que 359 000 procès–verbaux ont été dressés sur les quinze premiers jours du confinement, sur pas moins de 5,8 millions contrôles. Les verbalisations représentent donc 6 % des contrôles.
 
Les sanctions pour non-respect du confinement ont néanmoins connu plusieurs évolutions depuis le début du dispositif. Rappelons quand même que dès le deuxième jour de confinement le montant de l’amende était réévalué. Avec une entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions le 18 mars 2020.
 
Des modifications successives qui promettent des contentieux portant sur les recours contre ces verbalisations bien techniques.
 
 
Un premier passage de 38 euros à 135 euros
Nul ne l’ignore désormais, depuis le 16 mars, les déplacements sont réglementés afin de lutter contre la propagation du virus Covid-19. Initialement toute violation était punie d’une amende de 38 euros en application de l’article R. 610-5 du Code pénal.
 
Dès le 18 mars, un décret (D. n° 2020-264, 17 mars 2020, JO 18 mars) crée une contravention de la 4e classe pour la violation des interdictions de se déplacer hors de son domicile et en cas de non-respect de l’obligation de se munir du document justifiant les déplacements. L’amende passe donc à 135 euros.
 
Le décret prévoit également l’application de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du Code de procédure pénale. Elle pourra alors s’élever à 375 euros.
 
 
Le vote d’une peine graduée
Le gouvernement ne s’est pas arrêté là. Dans le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du Covid-19, l’augmentation de l’amende est proposée (Non-respect du confinement : de nouvelles sanctions plus salées, Actualités du droit, 23 mars 2020). Le Sénat décide néanmoins de supprimer cette contravention de la loi en renvoyant la sanction de ces violations à un décret. Mais le gouvernement dépose un amendement pour rétablir cette contravention dans la loi et propose même d’aggraver les sanctions, estimant « préférable de prévoir cette contravention dans la loi afin qu’elle soit immédiatement applicable sans qu’il soit nécessaire d’élaborer en urgence un décret en Conseil d’État à cette fin, d’autant que le Conseil va être prioritairement occupé par l’examen des ordonnances prévues par l’article 7 d’habilitation » (TA AN n° 2764, 2019-2020, amendement n° 256 rect.).
 
La garde des Sceaux rappelait d’ailleurs au cours des débats à l’Assemblée nationale que « le confinement est une obligation sanitaire » et proposait alors de « transformer l’amende en un délit puni d’une peine de prison, ce qui conférerait à la mesure un véritable effet préventif ». Proposition mal reçue dans l’hémicycle et un compromis est finalement trouvé.
 
Ainsi, trois stades sont prévus par la loi d’urgence pour faire face au Covid-19 (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars), publiée le 24 mars au Journal officiel, en cas de violation des obligations de confinement (v. La loi Urgence pour faire face au Covid-19 est votée !, Actualités du droit, 23 mars 2020 et v. État d’urgence sanitaire : un dispositif pérenne désormais instauré, Actualités du droit, 25 mars 2020) :
  • en cas de violation, la première sanction est une contravention de quatrième classe, soit une amende de 135 euros pouvant faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire (375 si elle n’est pas honorée) ;
  • en cas de nouvelle violation dans les quinze jours suivants, la sanction est une contravention de cinquième classe, s’élevant à 1 500 euros ;
  • en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, l’infraction devient un délit puni de 3 750 euros d’amende et d’une peine d’emprisonnement de six mois au maximum, sachant que  des peines de travail d’intérêt général ou de suspension de permis pourront être adjointes.
 
 
Une nouvelle modification 5 jours plus tard
Cinq jours après la publication de la loi d’urgence pour faire face au Covid-19 au Journal officiel, un décret (D. n° 2020-357, 28 mars 2020, JO 29 mars) vient modifier la sanction en cas de récidive. En pratique, il étend la procédure de l’amende forfaitaire aux contraventions de la cinquième classe visant à réprimer la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire et fixe le montant.
 
Concrètement, en cas de violation, la première sanction reste une contravention de quatrième classe (135 euros, 375 si elle n’est pas honorée). En cas de récidive dans les quinze jours, l’amende est de 1 500 euros maximum mais l’application de l’amende forfaitaire est possible. Le montant est fixé à 200 euros, majoré à 450 euros. Et en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, l’infraction est un délit comme le prévoit la loi.  Le décret permet ainsi la forfaitisation de la contravention de cinquième classe.
 
Ce dispositif, jusqu’à la promulgation de la loi relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (L. n° 2011-1862, 13 déc. 2011, JO 14 déc.) concernait uniquement les contraventions des quatre premières classes. Puis l’article 29 de cette loi a élargi le champ d’application : l’article 529 du Code de procédure pénale prévoit depuis que seules les contraventions listées par décret en Conseil d’État sont concernées par la procédure de l’amende forfaitaire. L’article R. 48-1 du même Code liste de son côté les contraventions des quatre premières classes concernées par le paiement d’une amende forfaitaire.
 
En application de cette loi, le décret publié le 29 mars 2020 organise l’amende forfaitaire pour les contraventions de cinquième classe pour la violation au confinement constatée à deux reprises dans un délai de quinze jours.
 
Ainsi, il complète l’article R. 48-1 du Code de procédure pénale listant les contraventions pour lesquelles l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire , par :
« - Les contraventions de la cinquième classe pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire sont les suivantes :
« 1° Contraventions réprimées par la 
dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 3136-1 du Code de la santé publique » (pour rappel, il s’agit de la violation constatée à nouveau dans un délai de quinze jours).
 
Le décret fixe également le montant à l’article R. 49 du même Code qui encadre la fixation de l’amende forfaitaire en ajoutant un alinéa : « 6° 200 € pour les contraventions de la 5e classe ». Et s’agissant du montant de l’amende forfaitaire majorée, le décret modifie l’article R. 49-7 et prévoit que, dans le cas où l’amende n’est pas payée dans un délai de 45 jours, le montant majoré est fixé à « 450 € pour les contraventions de la cinquième classe ». 
 
À noter un détail pratique : le décret exclut le paiement par timbre amende prévu pour les amendes forfaitaires, pour les contraventions de la cinquième classe.
 
 
Mais pourquoi ce changement ?
Pour le ministère de l’Intérieur, l’objectif est « une application plus efficace des mesures de confinement » (Ministère de l’Intérieur, 29 mars 2020).
 
En effet, les contraventions de cinquième classe supposent une procédure plus stricte. Le passage devant le tribunal de police est obligatoire et ce sera au juge de fixer le montant de l’amende judiciaire (1 500 euros maximum). Des peines complémentaires peuvent également accompagner l’amende, à l’instar des travaux d’intérêt général, comme le préconise le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz (Le Monde, 25 mars 2020). D’ailleurs, cette sanction a déjà été appliquée : un homme de 22 ans a été condamné mardi 31 mars à 105 heures de travaux d’intérêt général pour non-respect réitéré du confinement (AFP, 31 mars 2020).
 
Le décret n° 2020-357 permet donc la forfaitisation de la contravention de cinquième classe.  Sachant que le montant de l’amende est fixe et ne peut être modulé par les forces de l’ordre. Son traitement est numérisé et le passage devant le tribunal de police n’est plus obligatoire, sauf dans les hypothèses où le contrevenant conteste la contravention ou s’il est décidé de ne pas recourir à l’amende forfaitaire.
 

Des difficultés soulevées
Ces sanctions sont temporaires mais posent certaines difficultés. Notamment « l’application du mécanisme de la récidive sans les règles de procédure qui l’encadrent » comme le soulève Me Neiller, avocat au Barreau de Marseille.
 
En effet, comme le souligne cet avocat, la survenance d’une nouvelle violation dans les quinze jours suivant la première verbalisation entraîne, selon ce nouveau dispositif, « l’intégration du renouvellement de l’infraction en tant qu’élément matériel de celle-ci, emportant aggravation de la peine, sans pour autant avoir l’assurance que la première sanction soit judiciairement constatée ou définitive (à savoir, l’absence de contestation ou la certitude du paiement de l’amende forfaitaire) ».
 
Autre remarque, s’agissant cette fois du nouveau délit prévu par la loi urgence. « Le délai de trente jours prévus pour constater le renouvellement de la violation est plus court que celui de 45 jours prévu pour constater ladite contravention » relève l’avocat.

 
Rappelons également que le champ des personnes à même de constater les infractions de violation au confinement a été élargi : les gardes champêtres, les agents de la police municipale, les agents de la ville de Paris et les contrôleurs relevant du statut des administrations parisiennes « peuvent constater par procès verbaux les violations des interdictions ou obligations » lorsqu’elles sont commises « sur le territoire communal, sur le territoire pour lequel ils sont assermentés ou sur le territoire de la Ville de Paris et qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête ».
L. n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars, art 2.
 
 
 
 
Source : Actualités du droit