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Refus d’ouvrir une enquête concernant des mauvais traitements : violation des droits du détenu

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
13/02/2019
Le 5 février 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a jugé que l’État russe avait commis une violation des droits fondamentaux de deux détenus en refusant d’ouvrir une enquête pénale effective à la suite de leurs plaintes dénonçant des faits de mauvais traitements infligés à leur encontre par leurs codétenus.
En l’espèce, les requérants, détenus en Russie, se plaignaient d’avoir subi de mauvais traitements en prison, infligés par leurs codétenus sous les instructions d’agents de l’État, qui voulaient leur faire avouer un crime. Ils affirmaient que les aveux qui ont suivi avaient été cédés sous la contrainte.

Les requérants invoquaient devant la Cour européenne une violation de leurs droits fondamentaux, notamment, pour deux raisons :
– d’une part, en raison du refus des autorités russes d’ouvrir une enquête pénale à la suite de leurs plaintes dénonçant les mauvais traitements ;
– d’autre part, parce que la procédure pénale dirigée à leur encontre n’avait pas été équitable en raison de l’admission au procès des dépositions obtenues, selon eux, sous la contrainte.

La cour devait ainsi déterminer dans cette affaire si les détenus avaient effectivement été victimes d’une violation de leurs droits fondamentaux en raison du refus d’ouverture d’une enquête par les autorités nationales saisies de plaintes pour mauvais traitements.

Les autorités avaient refusé d’ouvrir l’enquête en raison de l’absence de preuves des prétendues maltraitances. Sur ce point, la cour juge que les allégations formulées par les requérants devant les autorités russes « étaient suffisamment détaillées et circonstanciées pour constituer un « grief défendable » susceptible de faire l’objet d’une enquête effective ». La cour rappelle en effet sa jurisprudence antérieure (CEDH, 24 juill. 2014, req. 46956/09, L. c/ Russie), par laquelle il a été jugé que « le refus des autorités internes d’ouvrir une instruction pénale au sujet d’un grief défendable de mauvais traitements subis entre les mains de la police est révélateur d’un manquement de l’État à son obligation de conduire une enquête effective prévue par l’article 3 de la Convention ».

Dans le cas présent, les autorités nationales avaient seulement examiné les plaintes dans le cadre de vérifications préliminaires avant de conclure à un manque de preuves. Pour la Cour, « des explications recueillies dans le cadre d’une vérification préliminaire ne sont pas assorties des garanties inhérentes à une enquête pénale effective comme, par exemple, l’engagement de la responsabilité pénale pour faux témoignage ou refus de témoigner ». Elle conclut donc à une violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH), dans son volet procédural.
Source : Actualités du droit