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Image  Fabrice Pesin, Médiateur national du crédit aux entreprises

Rapport 2016 du Médiateur du crédit : des chiffres encourageants et des missions en évolution

Affaires - Banque et finance
21/03/2017
Fabrice Pesin, le Médiateur du crédit aux entreprises, a présenté, le 21 mars, un rapport d’activité 2016 positif avec quelques points de vigilance pour les années à venir.
Les difficultés de financement marquent le pas : en 2016, le Médiateur du crédit a enregistré une baisse des saisines de 7 %, qui fait écho à la baisse de 8 % des défaillances d’entreprises sur la même période (moins de 58 000). Cependant tout n’est pas rose pour autant.

Des chiffres encourageants

2 780 entreprises ont saisi le Médiateur du crédit en 2016 : 1 884 dossiers ont été acceptés, parmi lesquels 1 638 instruits et clos. Les autres dossiers ont été déposés trop tardivement pour que le médiateur puisse intervenir et ils ont été orientés vers les tribunaux de commerce.

Sur les dossiers instruits, la médiation s’est déroulée avec succès dans 64 % des cas, permettant à 1 048 entreprises de poursuivre leur activité, et de préserver ainsi près de 13 000 emplois, grâce à 183 millions d’euros de crédits débloqués.
La situation financière des entreprises s’améliore, d’autant que l’offre de crédit est relativement abondante en raison de la « politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne » (BCE). Cette évolution de l’offre de crédit profite tout particulièrement aux petites et moyennes entreprises (PME) de plus de 10 salariés. Mais globalement les taux de marge progressent et les investissements s’accélèrent.

Des disparités sectorielles et régionales

Toutefois, certains secteurs d’activités et la région Ile-de-France rencontrent toujours des difficultés liées à la conjoncture.
Tout d’abord, les très petites entreprises (TPE) des secteurs Hôtels Cafés restaurants (HCR), du commerce de détail et du bâtiment et travaux publics (BTP) souffrent encore en raison de la conjoncture économique. Le commerce de détail peine à trouver sa place entre le développement des galeries commerciales, et la dévitalisation des centres villes qui implique un moindre passage.

Par ailleurs, si le bâtiment bénéficie d’une reprise de la construction, la situation reste compliquée pour les travaux publics. Enfin, le secteur HCR souffre entre autres des effets économiques des attentats.

C’est également l’impact économique des attentats, couplé aux nombreux mouvements sociaux de 2016, qui explique une hausse des saisines en région parisienne, à contrecourant de la tendance générale : 10 % d’augmentation pour la région Ile-de-France et 17 % pour la seule ville de Paris.

Les entreprises ont sous-estimé l’impact des attentats, a indiqué Fabrice Pesin. Les entreprises ont pu faire face les premiers mois, mais celles qui disposent de peu de trésorerie ont fini par ne plus pouvoir absorber la dégradation économique. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les TPE/PME de la Côte d’Azur connaissent les mêmes difficultés dans les mois à venir : l’indice mesurant le climat des affaires a  déjà baissé dans la région.

Des dirigeants de TPE pas assez investis

Les TPE de moins de 10 salariés connaissent un accès au crédit toujours moins aisé que les entreprises de plus grande taille. La première explication réside dans leur structure financière plus fragile, plus déséquilibrée.

Mais au travers des dossiers traités, la Médiation du crédit permet de dire que le comportement des dirigeants de PME n’est pas totalement étranger à cet état de fait : spécialistes de leur métier, ils consacrent peu de temps au suivi de leur trésorerie et au financement de leur développement. Par exemple, face à un carnet de commandes qui se remplit, ils n’anticipent pas suffisamment en amont les investissements qui seront nécessaires pour tenir leurs engagements.

Habitués à ne s’adresser qu’à un banquier pour le même type d’opération (facilité de trésorerie, etc.), ils doivent apprendre à maîtriser les nouvelles conditions d’octroi de financement – cofinancement à partir de montants plus faibles, demandes de garanties supplémentaires, etc. – et surtout les nouvelles sources alternatives de financement – financement participatif, placement privé, etc.

Le Médiateur du crédit peut les accompagner lors du traitement de leur dossier, mais à plus long terme les dirigeants de TPE/PME doivent apprendre à consacrer du temps à la gestion de leur trésorerie et au financement de leurs investissements. Et pour certains à la transmission de leur entreprise : de nombreux babyboomers ont repoussé cette échéance en raison de la crise financière. Mais les banques rechignent à accorder un crédit à un entrepreneur vieillissant, ce qui peut mettre l’activité en danger comme le montrent certains dossiers. À noter sur ce point de la transmission d’entreprise, et plus spécifiquement de son financement, que l’Observatoire du financement des entreprises, présidé par le Médiateur, a remis un rapport en décembre dernier.

L’avenir : le financement de la transition numérique

Créé en 2008 en pleine crise financière, le Médiateur du crédit aux entreprises a toujours un rôle à jouer aujourd’hui et de nouveaux défis à relever. Le Conseil économique social et environnemental (CESE) s’est d’ailleurs récemment prononcé en faveur de son maintien (Avis CESE, « Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l’emploi et l’efficacité », 15 mars 2017).

Outre les effets sur le crédit des nouvelles règles prudentielles (Bâle 3, etc.), le Médiateur du crédit devra être vigilant en matière d’investissements immatériels, pour que les TPE/PME françaises réussissent leur transition numérique.

À l’heure actuelle, le financement des actifs immobiliers et des équipements matériels pose peu de problèmes car ces dépenses offrent des garanties tangibles, contrairement aux investissements immatériels (formation, innovation, intelligence artificielle, etc.). Si les TPE/PME veulent réussir leur transformation digitale, sous peine de disparaître parfois en quelques mois, elles doivent pouvoir financer ce type d’investissements. L’autofinancement qu’elles ont tendance à pratiquer dans ce domaine ne suffira pas, le financement devra évoluer. Et le Médiateur du crédit sera là pour les accompagner.
Source : Actualités du droit