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La semaine du droit de l’immatériel

Affaires - Immatériel
15/07/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de l’immatériel, la semaine du 8 juillet 2019.
Service de communication audiovisuelle – inscription – internet 
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2016), que la société Playmédia, distributeur de services de télévision, qui, le 9 juillet 2009, a déclaré son activité au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), offre un service de diffusion en direct, gratuit et sans abonnement, de chaînes de télévision accessibles sur le site Internet playtv.fr ; que la société de programmes France télévisions, éditrice des services France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô, est titulaire, sur l'ensemble de ses programmes, des droits voisins reconnus aux entreprises de communication audiovisuelle par l'article L. 216-1 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que des droits d'auteur et des droits voisins des producteurs de vidéogrammes sur les oeuvres qu'elle a elle-même produites ; qu'elle diffuse ses programmes, en transmission initiale, par télévision numérique terrestre et, en retransmission simultanée et intégrale, par satellite, par câble et par liaison numérique à débit asymétrique, pour une réception sur des postes de télévision et sur des terminaux téléphoniques mobiles ; que, diffusant également ses programmes sur son site Internet Pluzz, elle a conclu avec les fournisseurs d'accès à Internet des contrats de reprise de ceux-ci qui prévoient leur diffusion en réseau fermé ou sur abonnement, et excluent une retransmission en dehors du réseau de l'opérateur ; que la société France télévisions, constatant que ses programmes étaient proposés, sans son autorisation, sur le site playtv-fr pour un visionnage en direct, ainsi qu'un accès à la télévision de rattrapage, qu'elle-même offrait déjà sur son site Pluzz, a assigné la société Playmédia en concurrence déloyale, avant de solliciter sa condamnation en réparation d'actes de contrefaçon ; que, celle-ci se prévalant des dispositions de l'article 34-2 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, relatif à l'obligation de diffusion mise à la charge des distributeurs, a demandé qu'il soit enjoint à la société France télévisions de conclure un contrat l'autorisant à diffuser ses programmes ; que la société Playmédia a, parallèlement, saisi d'une même demande le CSA qui, par décision du 23 juillet 2013, lui a fait injonction de cesser, avant la fin de la même année, la reprise des services édités par la société France télévisions en assurant la mise en conformité de son offre, qu'elle a alors modifiée le 12 mars 2014 ; que, par décision du 27 mai 2015, le CSA a mis en demeure la société France télévisions de se conformer aux dispositions de l'article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 en ne s'opposant pas à la reprise, par la société Playmédia, des services qu'elle édite ; que la société France télévisions a exercé, devant le Conseil d'Etat, un recours pour excès de pouvoir contre cette décision ; que, la société Playmédia ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du 2 juin 2016, la société AJA associés est intervenue à l'instance en qualité de mandataire judiciaire de celle-ci ;

En premier lieu, saisi par le Conseil d'Etat de questions préjudicielles relatives à la portée de l'article 31, paragraphe 1, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article précité doit être interprété en ce sens qu'une entreprise qui propose le visionnage de programmes de télévision en flux continu et en direct sur Internet ne doit pas, en raison de ce seul fait, être regardée comme une entreprise qui fournit un réseau de communications électroniques utilisé pour la diffusion publique de chaînes de radio et de télévision et qu'une entreprise telle que Playmédia ne relève pas de cet article (arrêt du 13 décembre 2018, France Télévisions SA contre Playmédia et CSA, C-298/17) ;
 
En deuxième lieu, l'arrêt attaqué rappelle que le distributeur de services de communication audiovisuelle, soumis en application de l'article 34-2 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, à l'obligation de diffusion des chaînes publiques transmises par voie hertzienne, dite « must carry », est, aux termes de l'article 2-1 de la même loi, la personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à la disposition auprès du public par un réseau de communication électronique ; qu'il en déduit à bon droit que l'existence de relations contractuelles nouées avec l'éditeur de services de communication audiovisuelle est une condition de la mise en oeuvre de l'article 34-2, indépendante de la déclaration d'activité faite par le distributeur auprès du CSA, en application des articles 7 et suivants du décret no 2005-1355 du 31 octobre 2005 ;
 
En troisième lieu, dans sa décision no 2013-555 du 23 juillet 2013, après avoir constaté que l'offre que la société Playmédia mettait à disposition du public sur le réseau ouvert d'Internet était gratuite et libre d'accès, de sorte qu'elle ne pouvait être regardée comme bénéficiant à des abonnés au sens des dispositions de l'article 34-2 précité, le CSA a donné à la société Playmédia un délai expirant à la fin de l'année pour lui permettre d'assurer la mise en conformité de ses activités ;
 
En quatrième lieu, qu'ayant relevé que l'article 34-2 ne visait que les seuls services sur abonnement, la cour d'appel, qui n'a pas subordonné la qualification d'abonnement à l'existence d'un engagement sur une durée définie, ni retenu que l'obligation de diffusion était liée à l'utilisation d'un réseau de communication et de matériels spécifiques, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'il ressortait des pièces produites aux débats que la société Playmédia ne proposait pas à l'internaute la souscription à un abonnement, mais n'exigeait qu'une simple inscription, entièrement anonyme, pour créer un compte sur son site ;
 
Elle a pu déduire de l'ensemble de ces constatations et appréciations, que la société Playmédia n'était pas fondée à soutenir que les diffusions incriminées avaient été réalisées en application de l'article 34-2 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 ».
Cass. 1ere civ., 4 juill. 2019, n° 16-13.092 , P+B+I*
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 16 août 2019
Source : Actualités du droit